Photo de Toulouse

Daniel SCHINTONE (1927-2015)


Daniel Schintone

Avec Daniel Schintone, c’est une figure importante de notre association qui a disparu le 20 juin dernier. En effet, dès 1947, il expose au Salon des Artistes Méridionaux. Sociétaire de la SAM en 1951, il fait partie de son conseil d’administration de 1957 à 1967. C’est aussi un peintre toulousain renommé qui s’en va, un lithographe et un illustrateur de livres (Silhouettes toulousaines), un des peintres officiels des Armées et un professeur de plusieurs générations d’artistes. Ses nombreux élèves des Beaux-Arts gardent toujours en mémoire les conseils éclairés qu’il leur a prodigués avec une bonhomie souvent teintée d’humour.
Né au gré des pérégrinations professionnelles de ses parents à Bort-les-Orgues en Corrèze, le 4 février 1927, il arrive à dix ans à Toulouse. Il ne quittera plus sa ville et posera son chevalet dans le quartier de Fontaine–Lestang. Plutôt casanier, mais rêvant d’exotisme, c’est grâce à ses pinceaux qu’il voyagera en un Orient imaginaire découvert au hasard de rencontres opportunes.
La première qui va changer sa vie est celle, en 1943, du Tonkinois Trany que Schintone côtoie aux Beaux-Arts. Une grande amitié va naître entre eux. Il lui fait découvrir les beautés de l’Extrême-Orient, et ses récits vont imprégner l’âme poétique du peintre. Viendront ensuite, en 1948, la lecture du livre de l’orientaliste René Grousset, Les Civilisations de l’Orient, puis l’achat d’estampes de grands maîtres japonais. Ils marqueront l’artiste à jamais, tout comme la découverte de l’art extrême-oriental au musée Labit qui rouvre à ce moment-là.
Dès lors, il cherche à traduire, par sa peinture, l’atmosphère calme et mélancolique de ces lointains pays et se met à composer ses œuvres de manière « asiatique ». Il apprend à se servir du pinceau chinois, à rechercher la perfection du trait japonais. Il propose une mise en page inattendue dont la toile nue ou les parties vides comptent autant que les pleins dans l’équilibre du tableau. La ligne remplace les dégradés et suggère le volume. La matière est peu épaisse, enrichie de glacis, frottis, grattages, blaireautages ou empreintes, de poudres de bronze ou de feuilles d’or froissées. Très secondaires, les problèmes d’ombre et de lumière sont évoqués par des jours, des rais de soleil, des lanternes ; les problèmes de perspective, par la taille des personnages.
S’il commence à peindre des fleurs, des natures mortes ou des paysages, très vite la Femme s’impose à lui. Elle devient le thème central de son œuvre qu’elle soit Eurasienne ou Gitane, auréolée d’un exotisme mystérieux et envoûtant ; qu’elle arbore, richement parée, une peau grise ou bleue comme les miniatures de l’Inde ; qu’elle soit une girl aussi emplumée qu’une Indienne d’Amérique. Les profils des visages sont tournés dans des directions opposées, les regards s’échappent du cadre, agrandissant ainsi la dimension du tableau. Le vêtement, très présent, vient en point d’appui dans la composition : cols, écharpes, châles, drapés, dentelles, colliers, boutons ou gants d’où s’échappent, en voletant, de longs doigts noirs, tous ces détails qui paraissent mineurs soutiennent et distribuent les taches de couleur.
Il est une facette plus méconnue de l’artiste. Poussé par sa fascination pour le vêtement, Schintone va s’intéresser aussi aux tenues militaires. Son érudition porte surtout sur l’armée allemande et la Seconde Guerre mondiale. Sa collection compte plus de 350 pièces d’uniformes et de coiffures, à côté de modèles réduits de l’armement sous Napoléon 1er qu’il a lui-même réalisés. C’est donc en tant que collectionneur, historien et spécialiste qu’il entre, en 1964, à L’Académie toulousaine d’histoire et d’arts militaires créée en 1944 à Toulouse. Reconnu par les plus grands musées militaires, il devient peintre officiel des Armées.
Passionné par ces nombreux domaines, on pourrait imaginer un Schintone « touche-à-tout ». Au contraire, loin de se disperser, il étudie à fond ces sujets et partage son savoir sans compter. Étudiants, historiens, amateurs d’art, collègues artistes, tous ont bénéficié de ses connaissances que ses dons d’orateur ont généreusement dispensées tout au long de sa vie.

Françoise Alric